La migration interprovinciale au Canada : Les Québécois votent avec leurs pieds
La migration (soit le déplacement effectué par les personnes d’un endroit vers un autre) peut constituer un indicateur efficace du succès ou de l’échec que connaît un territoire. L’une des raisons pour lesquelles la migration constitue un indicateur si efficace repose sur le coût élevé auquel font face les personnes qui se déplacent d’un territoire à un autre. Choisir de déraciner la famille, de se départir de biens familiaux, de faire face aux coûts relatifs à la recherche d’emploi et d’abandonner le confort du connu en quête d’une meilleure situation représente un geste incroyablement coûteux. Cette étude se penche sur certains points que les Québécois peuvent (et devraient) extraire des données sur la migration provinciale.
La migration nette (migration entrante totale − migration sortante totale)
En moyenne, de 1971-1972 à 2014-2015, le nombre de Québécois choisissant de quitter la province annuellement a dépassé de 13 238 le nombre de personnes provenant d’autres provinces choisissant de s’établir au Québec. Le Québec est la seule province qui a connu une migration sortante nette chaque année de 1971-1972 à 2014-2015. La migration négative connue a varié d’un creux de −822 en 2003-2004 à un sommet de −46 429 en 1977-1978, un an après l’élection du Part Québécois.
D’un point de vue cumulatif, le Québec a fait l’objet de la migration sortante la plus élevée en perdant un total de 582 470 résidents. Il est toutefois intéressant de remarquer que la migration sortante cumulative de l’Ontario de 142 514, depuis 2003-2004, dépasse celle du Québec (−101 497). La majorité des Canadiens qui ont migré d’une province à une autre pendant cette période s’est rendue en Alberta ou en Colombie-Britannique.
En contrôlant la variable de population, c’est la province de Terre-Neuve-et-Labrador qui a enregistré la perte de résidents cumulative la plus élevée avec une migration nette de 23,1 % de sa population de 2015. Les provinces des Prairies de la Saskatchewan (−17,3 %) et du Manitoba (−17,0 %) se sont classées respectivement au deuxième et troisième rang. Le Québec s’est classé au quatrième rang avec une perte de 7 % de sa population (2015) au cours de la période de 1971-1972 à 2014-2015.
Migration sortante totale
Le Québec, de même que l’Ontario dans une moindre mesure, a connu systématique le niveau le plus bas de migration sortante totale parmi toutes les provinces pendant la pé-riode de 1971-1972 à 2014-2015. En 2014-2015, le Québec a connu une migration sor-tante de 3,9 personnes par tranche de 1 000, alors que l’Ontario a connu une migration sortante de 5,1 personnes par tranche de 1 000. Les huit autres provinces ont connu une migration sortante par tranche de 1 000 variant de 9,2 personnes (Colombie-Britannique) à 23,5 personnes (Île-du-Prince-Édouard). Autrement dit, la migration sortante qu’a connue le Québec en 2014-2015 n’a constitué que 42,4 % de la migration sortante que la Colombie-Britannique, au troisième rang, a connue.
Des résultats semblables sont observés lorsque l’on mesure la migration sortante moyenne. Au cours de la période de 1971-1972 à 2014-2015, le Québec a en moyenne connu une migration sortante de 5,4 personnes par tranche de 1 000. Il s’agit du taux le plus bas parmi toutes les provinces. Autrement dit, le Québec a fait l’objet de la population interne la plus stable parmi les provinces en matière de migration sortante au cours de la période de 1971-1972 à 2014-2015.
Migration entrante totale
Le Québec a aussi enregistré le niveau de migration entrante ajustée en fonction de la va-riable de population le plus bas de toutes les provinces entre 1971-1972 et 2014-2015. En 2014-2015, le Québec a connu une migration entrante de 2,1 personnes par tranche de 1 000. L’Ontario s’est classée au second rang le moins élevé avec une migration entrante de 4,5 personnes par tranche de 1 000, soit plus du double du niveau connu par le Qué-bec. L’Alberta, dont le niveau atteint presque dix fois le niveau enregistré par le Québec, a enregistré la migration entrante la plus élevée en 2014-2015 avec 20,5 personnes par tranche de 1 000.
Au cours de cette période, le Québec a connu une migration entrante de 3,5 personnes par tranche de 1 000, le niveau moyen le plus bas. L’Ontario a enregistré le second taux moyen le plus bas de migration entrante au cours de cette période : 7,5 personnes, soit plus du double du taux moyen du Québec. L’Alberta a enregistré le taux annuel moyen le plus élevé, avec 26,8 personnes par tranche de 1 000.
La différence entre la migration entrante annuelle moyenne de 3,5 personnes par tranche de 1 000 (la plus basse au Canada) et la migration sortante annuelle moyenne de 5,4 personnes par tranche de 1 000 (aussi la plus basse au Canada) produit la perte annuelle moyenne de 1,9 personne par tranche de 1 000 au Québec, provoquée par la migration interprovinciale.
Autrement dit, le Québec perd relativement peu de résidents chaque année, mais n’attire qu’une faible migration provenant des autres provinces canadiennes, ce qui ex-plique son niveau de migration sortante net élevé comparativement aux autres provinces. En effet, les provinces de l’Atlantique ont attiré pendant la période de 44 ans presque le double de migration entrante (1 868 104) que le Québec (1 069 306), sur une base de population correspondant au tiers de celle du Québec.
Enfin, la migration sortante nette du Québec tend à toucher les jeunes, plus parti-culièrement ceux qui entament leur carrière ou qui en sont aux premiers stades. Cette migration sortante chez les jeunes a contribué en partie au vieillissement de la structure d’âge de la population du Québec.